IPSOS 2000 : un sujet déjà ancien

Le retentissement de l’ouvrage de Marie-France HIRIGOYEN (le harcèlement moral, la violence au quotidien), un récent arrêt du TGI de Bobigny du 8/12/99 ou bien encore tout dernièrement, le défilé du 1er mai, essentiellement axé sur la dénonciation de ce fléau, témoignent de l’actualité du phénomène.

Aujourd’hui, trois salariés sur dix ont le sentiment d’avoir déjà été l’objet de harcèlement moral sur leur lieu de travail, c’est à dire d’avoir été l’objet de conduites abusives, qui se sont manifestées notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes ou des écrits répétés, pouvant porter atteinte à leur personnalité, à leur dignité ou à leur intégrité physique et psychologique, mettant en péril leur emploi ou dégradant le climat social. Par ailleurs, plus du tiers des salariés français (37%) disent avoir été témoin du harcèlement moral d’un collègue. Cette pratique est donc aujourd’hui extrêmement répandue.

Le phénomène est susceptible de concerner n’importe quel salarié, aussi bien les hommes (31%) que les femmes (29%), les cadres supérieurs (35%), les professions intermédiaires (27%), les employés (27%) ou les ouvriers (32%). Il est autant présent dans les entreprises privées (30%) que dans les entreprises publiques (29%).Le harcèlement moral présente toutefois certaines spécificités : les salariés plus âgés semblent en être un peu plus souvent victimes (34% contre 24% pour les moins de 35 ans). Les salariés aux revenus plus modestes sont également plus fréquemment concernés (19% pour la tranche de revenus de plus de 300 000 francs contre 35% pour celle de moins de 108 000 francs).

Ce harcèlement prend des formes diverses et variées. Ainsi, 24% déclarent « avoir eu le sentiment que leur supérieur hiérarchique les évitait ou refusait de leur parler de façon ostensible et répétée ».

Plus du cinquième des salariés interrogés (22%) disent « s’être vu systématiquement confier, de façon répétée et plus souvent que leurs collègues, les tâches ou les missions les plus ingrates ou les moins intéressantes ». Un salarié sur six affirme « s’être vu systématiquement refuser une augmentation ou recevoir une augmentation systématiquement moins importante que ses collègues de même niveau hiérarchique, alors que ce n’était pas mérité » (17%). La même proportion dit « avoir eu le sentiment que son supérieur hiérarchique lui enlevait ses responsabilités ou donnait le travail qui était normalement le sien de façon répétée à d’autres personnes (16%) ».Plus grave encore, 12% estiment « avoir fait l’objet de brimades répétées de la part de leur supérieur hiérarchique, brimades visant à les faire démissionner sans indemnités ou à les faire changer de service ». Enfin, 12% déclarent « avoir fait l’objet d’insultes ou de comportements insultants de façon répétée de la part d’un supérieur hiérarchique ».

Loin d’être anodin, le phénomène touche une frange importante des salariés. Si 58% disent n’avoir connu aucune des situations citées ci-dessus, en revanche 14% déclarent en avoir vécue au moins une, 10% au moins deux et 18% trois ou plus.On pourrait objecter à ce constat alarmant qu’il arrive à de nombreux salariés d’être plus ou moins victimes de l’une des situations évoquées (même si, en l’occurrence, elles reflètent déjà chacunes des problèmes très graves, notamment par leur caractère systématique et répété). Dans le cas présent, on ne peut toutefois qu’être préoccupé de la réalité et l’intensité des faits. Parmi les salariés ayant affirmé avoir été victime de harcèlement, 17% disent n’avoir vécu qu’une seule des différentes brimades évoquées. Mais plus d’un sur quatre (26%) déclarent en avoir connu deux, et surtout plus de la moitié (52%) en ont subi trois ou plus. Ainsi, pour une nette majorité des salariés concernés, le sentiment d’être harcelé moralement renvoie à plusieurs types de brimades différentes, systématiques et répétées.

L’état des lieux est alarmant. Plus de huit salariés sur dix (85%) estiment qu’il est maintenant nécessaire de légiférer dans le domaine en votant une loi : c’est prioritaire, pour 37%, et important pour 47%. Le projet de loi déposé à l’assemblée semble donc arriver à point nommé.

Source IPSOS 2000

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