» Un salarié ambulancier avait été investi, en plus de ses fonctions, de l’organisation administrative et logistique de l’entreprise. Ces fonctions l’avaient amené à être promu au poste de directeur de développement. Mais, à la suite de l’arrivée du fils et de la belle-fille du directeur général dans l’entreprise familiale, proclamés tous deux directeurs administratifs, le salarié s’est retrouvé rapidement placardisé : ses fonctions de directeur de développement lui furent purement et simplement retirées. À la place, le salarié s’est retrouvé standardiste et ses conditions de travail furent considérablement dégradées : bureau installé dans le hall d’entrée, exposé aux courants d’air, insultes et propos humiliants, pour beaucoup à caractère raciste, critiques incessantes, reproche de coûter plus cher que les autres salariés, tentative de licenciement refusée par l’inspecteur du travail… Malgré la solidarité exprimée par ses collègues et ses différentes alertes, le salarié n’a pas pu faire respecter ses droits. Après une ultime humiliation, il a finalement été admis aux urgences psychiatriques à la veille de Noël. Le médecin du travail a conclu à son inaptitude pour danger grave et l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement, considérant l’urgence à sortir le salarié de l’entreprise. Parallèlement, le syndrome anxio-dépressif a été reconnu comme maladie professionnelle avec un taux d’incapacité de 40 % et une invalidité en deuxième catégorie.
Détruit moralement et dans l’incapacité de retrouver un travail à 55 ans, le salarié a subi un préjudice considérable dont il a demandé réparation auprès de plusieurs juridictions. Pour commencer, le tribunal correctionnel a reconnu l’entreprise et le dirigeant coupables de faits de harcèlement moral et condamné la première à une amende civile et le second, fait rare, à une peine d’emprisonnement avec sursis. S’appuyant sur la condamnation prononcée par le juge pénal, le conseil de prud’hommes a confirmé le harcèlement moral et a conclu à la nullité du licenciement. Le tribunal des affaires de Sécurité sociale a, lui, reconnu la faute inexcusable de l’employeur et condamné celui-ci à la majoration de la rente versée par la Sécurité sociale. Plutôt que de parler uniquement du coût du licenciement pour l’employeur, il serait bon de rappeler ce que coûte, pour le salarié, le harcèlement sur le plan humain et, pour la collectivité, la charge économique de la destruction de l’emploi en violation de la loi. «
Tribunal correctionnel de Paris du 26 mai 2014 et cour d’appel de Paris le 6 octobre 2015, conseil de prud’hommes de Paris le 30 septembre 2016, tribunal des Affaires de sécurité sociale de Paris le 14 avril 2017, Nadège Magnon, avocate du salarié.
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