Harcèlement moral : l’administration est responsable même en l’absence de faute.
Par un arrêt Mme A… et syndicat SGEN-CFDTen date du 28 juin 2019 (req. n° 415863), le Conseil d’État précise qu’un agent victime, dans l’exercice de ses fonctions, de harcèlement moral peut engager la responsabilité de l’administration afin d’être indemnisé de son préjudice même en l’absence de faute qui serait imputable à celle-ci.
En l’espèce, Mme A… ayant estimé avoir été victime du 1er septembre 2004 au 1er septembre 2009, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de proviseur du lycée professionnel Ampère de Morsang-sur-Orge, d’agissements de harcèlement moral commis par des personnels administratif et enseignant, a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l’État à lui verser la somme de 328 740,86 euros au titre de la réparation des préjudices qui en ont résulté, dont ceux résultant de la mutation d’office, à compter du 1er septembre 2009, dont elle a fait l’objet eu égard à la situation dans cet établissement.
Par un jugement du 23 mars 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 21 septembre 2017, la cour administrative d’appel de Versailles, après avoir admis l’intervention du syndicat SGEN-CFDT de l’académie de Versailles, a rejeté l’appel formé par Mme A… contre ce jugement.
Saisi d’un pourvoi par Mme A… et le syndicat SGEN-CFDT de l’académie de Versailles, le Conseil d’État a, pour annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles, considéré que « lorsqu’un agent est victime, dans l’exercice de ses fonctions, d’agissements répétés de harcèlement moral visés à l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 […], il peut demander à être indemnisé par l’administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d’une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d’un autre ou d’autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l’administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation. »
Or, conclut la Haute Assemblée, « après avoir relevé que, nommée proviseur, Mme A…avait “immédiatement constaté l’existence de pratiques contestables” auxquelles elle avait voulu mettre un terme et qu’elle avait alors “été confrontée à l’hostilité d’une partie du personnel” du lycée, la cour a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A…présentées au titre des agissements de harcèlement dont elle soutenait avoir été l’objet au seul motif qu’aucune carence fautive n’était imputable à l’administration. Ce faisant, la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit dès lors que, ainsi qu’il a été dit au point précédent, un agent est fondé à rechercher la responsabilité de l’administration à raison d’agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime dans l’exercice de ses fonctions, quand bien même ces agissements ne seraient pas imputables à une faute de l’administration. L’erreur de droit ainsi commise affecte l’arrêt dans son intégralité. »
N.B. : à comparer avec Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19-702, Bull. 123.
Voir cet arrêt sur Légifrance :
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